L'éveil de la belle au bois dormant

J’ignore à quel moment de la lecture que je faisais à mon maître je m’étais endormi, là, dans ce fauteuil confortable que j’occupais si souvent depuis longtemps. Toujours est-il que ce fut une voix qui me tira de mon sommeil, me faisant me redresser vivement et regarder autour de moi. La seule personne qui venait ici et à qui elle pouvait appartenir était mon maître Shizun mais… Cela faisait un long moment maintenant qu’il ne venait plus.
Je refermais le livre sur mes genoux alors que mon regard se posait sur la seule autre personne de la pièce, celle qui dormait à mes côtés. Le visage serein et d’une blancheur immaculée, mon maître ne semblait pas avoir bouger. Avais-je rêvé cette voix que j’avais entendu ?

Je me levais, m’apprêtant à m’excuser pour avoir interrompu si abruptement ma lecture quand la voix refit surface. Elle était en pleine réflexion intérieure et mes yeux s’écarquillèrent en observant mon maître, toujours les yeux clos. Puisque nous n’étions que deux dans ce temple, cela ne pouvait être que lui… et si je ne l’avais pas reconnu, c’était bien parce que la dernière fois que cette mélodie avait résonné à mes oreilles, j’étais bien trop jeune pour en garder un souvenir clair.
Je suis le fil de ses réflexions, ne me rendant pas compte des larmes qui coulent sur mes joues à l’entente de cette voix. Il n’est pas encore réveillé… mais l’entendre après autant de temps ne pouvait que signifier qu’il allait bientôt le faire. Bientôt, il se réveillerait ! J’avais tant de mal à contenir ma joie et à ne pas l’éteindre !

Me forçant au calme, je rangeais soigneusement le livre à sa place initiale, restant très attentif au déroulement dont j’étais témoin. Restant toujours debout, je m’approchais de cette couche toujours enveloppée d’une protection pour aller au plus près de mon protecteur… et actuel protégé dans un sens. Au fur et à mesure que les phrases passent, je ne peux que constater que toute l’affection que mon maître Shizun à gardé tout ce temps envers mon maître Li Rong lui est pleinement rendue et c’est un mélange de soulagement, de tendresse et de joie pour eux qui m’envahit.

Maître Li Rong…

Je suis surpris alors qu’il semble m’avoir entendu. Je n’ai pas parlé fort mais je suis juste à ses côtés, tout proche de lui et l’endroit est dans un calme religieux. Dois-je réitérer mon appel ? Peut-être ne devrais-je pas le brusquer alors que sa conscience vient de se réveiller… pourtant, j’ignore dans combien de temps réellement il se réveillera puisque la protection est toujours en place et je crains qu’il finissent par s’inquiéter d’être seul ou qu’il ai peur d’une façon ou d’une autre de ne pas pouvoir bouger.

Maître Li Rong ? Pouvez-vous m’entendre ?

Je parle toujours avec douceur et avec calme, m’étant rapproché pour mieux qu’il m’entende tout en n’osant pas trop élever la voix. Je ne veux pas l’inquiéter ou le surprendre, je souhaite qu’il puisse prendre son temps dans cet éveil après tout ce temps endormi.
La réponse me vient alors qu’il demande après maître Shizun. Un pincement de tristesse m'envahit même si je sais que sa demande est légitime, qu’il n’y avait aucune chance qu’il me reconnaisse. Toutefois, je suis heureux pour mes maîtres qu’ils pensent si fort l’un à l’autre de cette manière.

Il… pense à moi… je l’entends dans ses pensées alors qu’il fait référence à un enfant. Les larmes coulent plus fort et je suis bien obligé de m’en rendre compte cette fois alors que je les efface d’un revers de manche. Que devrais-je dire ?
Maintenant il se sent triste… il est dans le noir… dans tous les cas, je ne peux pas le laisser sans réponse mais… dois-je lui dire mon vrai nom ? S’il comprend que je ne suis plus cet enfant, ne va-t-il pas s’inquiéter du temps passé et cela ne va-t-il pas altérer sa guérison ? Pourtant, être face à un inconnu ne serait-il pas… plus angoissant dans cette situation ?

Je suis désolé maître Li Rong, ce n’est pas maître Shizun. Il est occupé pour le moment, c’est pour cela qu’il m’a demandé de veiller sur vous en son absence. Je suis Jin-Liang.

Je suis inquiet, d’autant plus que je ne peux que lui parler pour lui prouver mon soutien ce qui me donne l’impression d’être beaucoup trop loin de lui pour parvenir à le faire. Va-t-il comprendre ? Oui, maître Li Rong est une personne très intelligente. Pourtant, je reste anxieux alors qu’il a dit être seul et dans le noir. Moi aussi je veux être comme cette lumière qu’ils ont été pour moi lorsque j'étais plus jeune.
Je vous en prie maître Li Rong, n’ayez aucune crainte, je prendrez soin de vous et resterez à vos côtés jusqu’à ce que vous puissiez ouvrir les yeux à nouveau. Doucement, je posais une main sur cette protection invisible au niveau du cœur de mon maître, comme si cette protection pouvait lui transmettre un peu de chaleur et lui enlever ce sentiment de solitude. Peut-être était-ce le cas ? Après-tout, elle avait été créée par maître Shizun qui l’aimait tant.

Je n’aime pas entendre qu’il pourrait être triste malgré le calme dont il fait preuve. Il a dormi si longtemps… même s’il n’a pas ressenti la solitude alors puisque son esprit était lui aussi au repos, cela est bien assez triste comme cela pour le laisser faire alors que je peux apaiser sa peine. Du moins, j’espère pouvoir le faire.
J’entends sa demande mais comme elle semble être qu’envers lui-même, je n’y réponds pas lorsque je prends la parole. Pour le moment, je préfère répondre que lorsqu’il semble s’adressait directement à moi pour ne pas le brusquer et lui laisser le temps d’appréhender cet état qui est le sien. Comment réagira-t-il quand il comprendra que malgré notre échange, son corps est encore trop épuisé pour se réveiller ? Comment se sentira-t-il lorsqu’il apprendra le temps qui est passé depuis qu’il est inconscient ? J’angoisse à l’idée que mes réponses puissent entraver l'avancée de sa guérison et que mes mots lui portent plus de mal que de bien. Je ne veux pas être la source de son malheur et pourtant… puis-je réellement le laisser dans cet inconnu qui, dans ses pensées, s’apparente déjà à de la solitude ?

Je suis rassuré qu’il ne se sente pas mal à l’idée que je ne sois pas maître Shizun et mon cœur se gonfle de tendresse et de chaleur en écoutant la certitude à l’encontre du retour prochain de ce dernier à ses côtés. J’en suis persuadé également même si je suis surpris qu’il ne soit pas encore ici. Ne m’avait-il pas dit qu’il savait tout ce qu’il se passait dans ce temple ? A moins que je n’ai mal interprété ses paroles…
La mention de mon prénom, celui qu’il m’a lui-même donné, me remplit de nostalgie et d’un sentiment étrange. Peut-être de la bienveillance ? J’aime l’entendre le prononcer alors que plus personne ne l’a fait depuis son sommeil. Ce prénom est un trésor dont seul lui peut en connaître le secret.

Je retiens ma respiration après lui avoir avoué mon prénom. Ai-je bien fait de le dire ? Peut-être aurais-je dû me présenter avec le nom que m’avait donné maître Shizun… j’ai fait une erreur sous la joie que je ressentais de pouvoir l’entendre et j’espère que celle-ci ne sera pas douloureuse ou irrémédiable.
J’enlève ma main de la protection et je serre les poings, inquiet d’avoir fait une faute fatale. Je ne peux qu’observer son visage en priant pour le meilleure et me reprendre. Il ne faut pas que je laisse mon esprit dériver vers le bonheur que je ressens de pouvoir entendre mon maître mais que je me concentre uniquement sur son seul bien-être. Maître Shizun à confiance en moi pour cela, je ne peux pas trahir sa confiance.

Il semble être toujours calme… j’ai dû louper quelques unes de ses pensées en étant pris par les miennes mais j'entends parfaitement sa salutation et sa question. Une question bien plus difficile que la précédente. Comment dois-je y répondre ? Puis-je réellement lui dire simplement la vérité ?
Il tente de ne pas s’inquiéter… je commence à échouer dans mon rôle de le protéger et de l’apaiser et cette réponse pourrait tout faire basculer vers le pire malgré toute la sérénité qu’il veut garder. Je regrette que maître Shizun ne soit pas là, je suis certain qu’il aurait su quoi dire, que même sa seule présence aurait réussi à faire ce que je ne peux pas offrir à maître Li Rong.

J’entends que vous préférez les réponses et j’ignore comment vous les donner sans vous inquiéter, tout ce que je sais, c’est que je ferais de mon mieux pour veiller sur vous et vous apporter mon soutien du mieux que je le peux.

Je suis ravi de pouvoir vous entendre également.

Je commence par murmurer ses simples paroles pour vous indiquer que je vous ai bien entendu, que vous n’avez rien à craindre, vous obtiendrez réponses à vos questions. Même si j’hésite, je ne vous laisserez pas seul et dans l’ignorance alors même que maître Shizun ne m’a donné aucune directive si vous veniez à vous réveillez. Pourtant, je ne peux pas croire qu’il est perdu espoir quant à ce fait, sinon, je ne serais pas ici, n’est-ce pas ?

Vous vous trouvez au temple Mèng que maître Shizun à fait construire pour que votre repos se passe en sécurité. Votre corps est encore endormi… je me trouve à vos côtés.

Cela me semble être pour le mieux. Je ne vous parlerai pas du temps qui est passé tant que vous ne m’en faites pas la demande et c’est pour cela que je ne préciserais pas qui je suis si vous ne me posez pas la question. J’espère que vous pourrez me pardonner ces cachoteries et ces mensonges que je ferais parfois par omission ou pour garantir votre santé. Je ne suis pas médecin et dans votre état, j’ignore ce que pourrait causer un choc et je ne vous connais pas assez pour savoir ce qui pourrait être inacceptable ou non malgré que maître Shizun m’ai bien dit que vous étiez la personne la plus tendre et la plus forte qu’il lui avait été donné de connaître. Je me dit que tant d'années de sommeil pourraient vous troubler pour le moment et changer un peu certaines de vos perceptions alors, pour le moment, je préfère prendre le risque que vous m’en vouliez et que vous ne pardonniez jamais. Je regrette avoir été faible et vous avoir donné ce nom que vous m’avait donné et que je chéri, je ferais bien attention à présent, vous avez ma promesse alors je vous en prie, n’en tenez pas rigueur.

Au fil de ses pensées, je me détends malgré moi. Même dans sa position, il arrive à me rassurer… il est bien comme maître Shizun me l’a décrit tant de fois et je ne peux que comprendre pourquoi sa présence à ses côtés lui a manqué. Je regrette aussi de ne pas me rappeler plus de moments passés avec lui lorsque que j’étais plus jeune… ou du moins, ils se mélangent difficilement avec d’autres qui sont plus difficiles.
Je laisse cela de côté, ce n’est pas important, seul vous l’êtes et j’espère vraiment pouvoir vous rendre de cette sérénité que vous me donnez par vos pensées. Et de nouveau, je vous entends espérer que je sois cet enfant. Cela me rends heureux mais je ne veux pas m’y consacrer de peur de faire une faute comme cela à été le cas plus tôt malgré que vos dires semble vouloir me faire croire l’inverse. Je ne veux rien risquer à l’amélioration de votre état parce que comme vous le pensez, ma présence à vos côtés cache bien plus d’une nuit ou deux à vous reposer.

Vos réflexions avancent et montrent votre clairvoyance mais aussi votre éveil et je suis donc heureux de constater que votre guérison s’est bien déroulée au point que votre intelligence ne soit pas lésée par ce si long sommeil. C’est une preuve que la protection et le temple de maître Shizun ont remarquablement fait son œuvre sur vous.
Vous restez calme et je suis satisfait de pouvoir aider à cela.

C’est exact… il a été construit très peu de temps après cet évènement.

J’ignorais comment vous dire le temps passé et craignais de le dire mais vos réflexions se rapprochent dangereusement de ce moment. Je peux entendre vos doutes bien que vous n’en n’ayez aucune conscience et je suis effrayé qu’à tout moment, une soudaine anxiété plus forte que les autres ne prenne le pas sur votre patience et votre air paisible pour détruire cet équilibre. Je ne peux me rassurer qu’en me rappelant à quel point maître Shizun me disait à quel point vous étiez fort et en suivant attentivement vos pensées pour y répondre au mieux et ainsi vous réconforter.
Mes lèvres se pinces sous mon inquiétude et je réfléchis à comment prononcer les mots qui répondront à vos questions. Un doux sourire empli de tendresse fleurit toutefois sur mes lèvres et mon regard devient nostalgique en vous regardant alors que vos réflexions continuent à défiler. Ma main se pose sur cette protection semblable à du verre au niveau de votre visage, comme si je pouvais le toucher pour vous transmettre mon affection et mon soutien.

Assez grave… pour que la médecine que nous connaissons ne puisse rien faire pour vous, maître Shizun à mis du temps pour stabiliser vos blessures et votre état… commençais-je lentement, l’air triste. J’ai… eu le temps de bien grandir durant votre sommeil. Quand vous ouvrirez les yeux, je suis certain que vous ne me reconnaîtrez pas.

J’espère qu’ainsi, j’ai trouvé un moyen plus doux de vous faire une idée du temps qui est passé mais aussi de répondre à votre espoir. Même si vous me demandez plus de précisions, je pense que j’aurais le plus grand mal de vous annoncer que trois milles ans ce sont passés, votre gentillesse fait que j’ai un doute sur le fait que vous acceptiez facilement de nous avoir laissez tout ce temps malgré que ce ne soit pas de votre faute. Vous vous êtes battus pour la protection de la ville, pour moi… pour toutes ces personnes qui ne pouvaient pas se battre. Je ne veux pas que votre bravoure se mette à n’être qu’un mauvais souvenir ou qu’un manque de force à vos yeux.
Doucement, je retire ma main de votre visage tout en restant près de vous. Je n’ose même pas m’asseoir de peur de moins bien voir votre visage et manquer un signe qui indiquerait que vous ouvriez les yeux bientôt.

Mes yeux s’écarquillent de surprise alors que je l’entends dire qu’il perçoit des changements chez moi. Suis-je aussi mauvais ? Quoique, je ne parle pas beaucoup avec les autres et le peux à qui j’ai parlé ne sont pas vraiment proche de moi pour me faire la remarque. Enfin, il y a bien maître Shizun et cet ami mais… ce n’est pas le genre de sujets sur lequel se portent nos discussions. J’observe donc mon maître “endormi” un peu anxieux sans savoir si les changements qui perçoit, mes “émotions” comme il le pense, est une bonne ou une mauvaise chose.
Comme je l’avais toutefois pressenti, il semble s’en vouloir de ce qu’il s’est passé et de cet abandon non contrôlé. Ou du moins, c’est ainsi que je le perçois et j’aimerais lui faire comprendre qu’il n’en est rien. Puis-je cependant réellement le faire ? Certes, le fait que j’ai grandi lui donne une certaine indication du temps qui passe… une dizaine d’années est déjà longue… mais cela est bien loin des trois milles années qui sont passées.

Je rougis face à ce compliment, espérant ne pas trahir ses attentes dans le futur et qu’il ne sera pas déçu en ouvrant les yeux. En attendant, je suis heureux que vous me le disiez et garde dans mon cœur cette affection que vous m’envoyez et qui me rappelle quelques souvenirs fugaces et difficiles à attraper. Comme l’ombre d’un sourire dont je ne parviens pas à saisir le moment et les circonstances.

Ce n’est pas de votre faute, vous avez tout fait pour protéger la ville… et moi également. Tout le monde savait que c’était dangereux, vous étiez le seul à avoir le courage de le faire avec maître Shizun. Vous n’avez pas à vous excuser.

Mes doigts effleurent les parois de la protection. J’aimerais qu’il comprenne que cette tristesse n'est dû qu'à un attachement pour lui et non à un manquement de sa part. Qu’il n’a pas à s’excuser ou à s'inquiéter, que nous l’avons attendu pendant tout ce temps parce qu’il nous manquait mais que l’on était parfaitement conscient que ce n’était pas de sa faute. Que l’on savait qu’il avait toujours fait de son mieux pour protéger tout le monde et couvrir chaque habitant de sa gentillesse et de sa protection.

Je ne désire pas être ailleurs qu’à vos côtés…

Ses mots prononcés à voix un peu plus basse, je ne suis pas certain qu’il pourra les entendre mais peut-être que c’est mieux ainsi. Que le timbre de ma voix et peut-être trop éloquent, trahissant sûrement bien trop mon bonheur de le voir s’éveiller peu à peu.
Je souris à sa question, poussant un léger soupir songeur. Ce que j’ai fait pendant tout ce temps ? Comment dire…

J’ai beaucoup appris aux côtés de maître Shizun… que ce soit mon élément ou les herbes médicinales. Il tenait à faire au mieux en s'imaginant ce que vous m’auriez appris à sa place. Je…

Je fronçais les sourcils, s'arrêtant à mi-chemin d’une future phrase. C’est bien ce que j’ai constaté, il semble moins présent…

Maître Li Rong ? Maître… ?

S’il a essayé de répondre la première fois, il n’en ai rien de la seconde et j’invoque un papillon pour avertir l’Empereur. Il est censé savoir, il est censé toujours garder un œil sur ce lieu. Je m’inquiètes déjà des raisons pour lesquelles il n'est pas encore venu jusqu’à nous mais maintenant… Pourtant, rien ne semble avoir bougé au niveau de la protection ou du corps de mon maître.
Je respire calmement pour reprendre mon sang-froid. Son éveil à été surprenant… et si… sa conscience s’était simplement endormie ? Ce serait normal… n’est-ce pas ? Je n’ai pas les capacités de faire quoi que ce soit à part attendre là en craignant même de respirer.

La réponse à mon message ne vient que le soir même, me disant simplement que maître Li Rong va bien et que je suis interdit de sortir du temple jusqu’à nouvel ordre. SI je n’ai pas osé bouger de ma position debout, une main au niveau du cœur de mon maître jusqu’à l'arrivée du message, je m’autorise enfin à m’asseoir tout en continuant de scruter son visage. Il va bien. Alors…
Je n’ai qu’à attendre - avec impatience - que son esprit s’éveille de nouveau.

*** *** ***

Nous sommes en plein milieu de la nuit et le réveil à été dur. Un mauvais rêve qui me fait courir à la salle de bain pour vider mes tripes dans un endroit convenable. Je me lave les dents et bois un verre d’eau avant d’aller voir mon maître, m’asseyant sur le sol, au niveau de sa tête. Cela fait cinq ans depuis qu’il s’est éveillé pour la première fois, se rendormant aussi subitement. Cette même période depuis qu’il m’a été ordonné de ne plus quitter le temple en aucune façon. A dire vrai, même sans cet ordre, je n’aurais pas osé mettre le pied dehors en craignant de manquer son retour. J’ai repris mes lecture pour lui, espérant qu’il revienne plus vite mais je n’ai pas l’impression que cela fasse grand chose. Je continue quand même chaque jour…
Ma tête est posée sur mes genoux alors que je ne parviens pas à enlever les traces de ce mauvais rêve et je tremble un peu. Le soleil n’est même pas là pour me changer les idées alors que je vois quelques ombres regarder parfois par la fenêtre. Dans ces moments-là, j’ai l’impression de redevenir un petit garçon et ce genre de chose m’effraie.

Une voix s’élève et je sursaute. Me remettant debout vivement, j’essuie mes larmes en reconnaissant la voix de maître Li Rong. Je n’ai pas parlé… J’ai du mal à comprendre le sens de sa phrase avant de me dire que pour lui, la conversation que nous avons eu doit seulement remonter à quelques minutes. Dans un sens, cela me réconforte de savoir qu’il ne ressent pas le temps qui passe et cela me tire un léger sourire.
Je sais que mon mauvais rêve va disparaître de mes pensées à présent.

Vous n’avez pas à vous excuser. Votre conscience s’éveille à peine alors c'est normal que vous vous soyez assoupi un moment.

J’aurais pu ne pas me souvenir de ce que j’étais censé lui raconté mais depuis notre conversation, je n’ai eu de cesse de me la repasser pour être certains de ne rien oublier cette fois.

Comment vous sentez-vous ?

J'aurai tout le temps de lui répéter après et de poursuivre notre conversation mais avant cela, je voulais être certain qu’il aille bien. Bien que cela ne soit pas le cas pour lui, plusieurs années étaient passé et je voulais savoir s’il y avait eu un changement dans son état, surtout que je ne pouvais rien déceler en le regardant.

Je suis rassuré d’avoir réussi à l’apaiser avec ces quelques mots et qu’il ai compris que cela soit normal dans son état. Si tel n’avait pas été le cas, j’ignore comment j’aurais pu le rassurer.
Un peu inquiet tout de même, je lui demande comment il se sent. Je ne lui ai pas posé la question lors de son premier réveil car j’avais la réponse bien qu’il ne le sache pas mais cette fois-ci, il semble moins concentré sur cela alors je préfère m’en assurer.

Je me concentre sur les explications qu’il me donne, essayant de réfléchir calmement. Une légère déception pointe le bout de son nez mais je ne m’y arrête pas. Depuis son premier réveil, son état ne s’est pas amélioré… au moins, il ne s’est pas empiré. Aurais-je pu faire quelque chose pour que les choses se passent mieux ? J’imagine que cela ne sert à rien de me poser la question avec trop d’attention mais plutôt de faire de mon mieux maintenant.

D’accord… Si vous ressentez le moindre changement, n’hésitez pas à m’en parler.

Maître Shizun avait en réalité parfait ma formation de médecin et ordonné à la tenir de manière excellente à jour, me forçant à passer de longs mois chaque années dans la zone médicale. Je ne devais rien oublier et tout retenir pour être certain de pouvoir prendre soin de maître Li Rong à son réveil. Toutefois, je n’étais jamais sûr de moi dans cette matière, étant bien plus doué pour forger les armes ou me battre même si la seconde activité ne faisait pas non plus partie de mes préférés.
Je pense que si la situation avait été différente, je me serais terré éternellement dans une forge. J’aimais la chaleur de celle-ci et me perdre dans ce travail manuel où chacun des coup portrait crée un nouvel objet. Pour autant, j’étais tout aussi heureux à la place que j’occupais actuellement et de pouvoir converser avec mon maître.

Très vite, il passa sur son état pour repartir sur la conversation que nous avions eu il y avait cela quelques années et je ne suis pas sûr que je pourrais répondre pleinement à sa question. Sûrement que non, ou en tous cas pas sans mentir. Il le verra bien à son réveil et j’en assumerai toutes les conséquences mais quoi qu’il en était, je ferais ce qu’il faut pour que son état s’améliore.

Je ne saurais pas comment vous dire tout ce que l’on m’a appris ou tout ce que j’ai fait… mais je serais ravi de répondre à vos questions.

Peut-être que cela serait plus facile pour cadrer ce que je pourrais lui dire et pour m’en souvenir également. Je ne peux pas lui dire que j’ai vécu dans le palais pendant très longtemps… sans voir personne que maître Shizun. J’ai l’impression qu’il n’aimerait pas savoir cela si j’en suis les pensées que j’ai entendu depuis son éveil.